Fils d’agriculteurs laitiers de la Somme, Julien Planchon n’était pas destiné à reprendre un jour une fromagerie. Les bancs de l’école l’ennuyaient. Son truc à lui, c’était l’ailleurs. Après son bac agricole, il part sillonner l’Europe avec des amis. Trois ans de voyages, de vendanges, de petits boulots au gré des pays. Et puis, en 2002, le hasard frappe. De retour à Amiens avant un départ humanitaire, il croise la route de Monsieur Quentin, figure locale qui cherche à transmettre sa fromagerie. Julien a 22 ans. Le déclic est immédiat. « Je l’ai suivi à Rungis, j’ai découvert le métier… et là, je me suis dit : il faut y aller. » Le 1er juillet 2003, il se lance et se prend de passion pour le fromage. Curieux et perfectionniste, il sillonne la France, rencontre des producteurs, suit des formations, engrange diplômes et expériences. Très vite, il comprend que le métier de fromager est à un tournant. Comme pour le vin, les consommateurs sont désormais avides de découvertes. À lui d’imaginer de nouveaux horizons.
Le Tricorne et les autres
Huit ans après ses débuts, il invente le Tricorne de Picardie, un fromage affiné à la bière, conçu avec un producteur et un brasseur locaux. Sa forme triangulaire intrigue, son nom fait référence à La Fleur, personnage du théâtre de marionnettes amiénois. Le succès est immédiat. Ce sera la première pierre d’une longue série. 50 créations fromagères plus tard, la Maison Planchon est une véritable fabrique d’originalité, capable de revisiter les grands classiques comme de surprendre avec des associations inédites.
Une entreprise en plein essor
Aujourd’hui, l’aventure a pris une dimension européenne pour ne pas dire internationale. Avec son associé Charles Beauquesne, il a fondé Affinord en 2015, société qui distribue une large gamme de fromages fermiers et artisanaux à plus de 350 clients dans toute l’Europe. Les raclettes de la Maison s’envolent jusqu’aux États-Unis, des demandes arrivent du Brésil ou du Kazakhstan. L’entreprise compte désormais 35 collaborateurs. « La clé, c’est de s’entourer. Sans mon équipe, je ne suis rien », insiste-t-il.
Mealk, bousculer les traditions
En 2017, Julien Planchon ouvre Mealk à Amiens, un concept-store laitier inédit. « J’avais envie de bousculer les traditions du lait », explique-t-il. L’idée : revisiter les grands classiques de la crèmerie et de la fromagerie, mais avec l’audace qui caractérise la Maison Planchon. On y trouve des beurres, des raclettes et fondues réinventées, des confits pensés pour accompagner les fromages, sans oublier yaourts, desserts et créations maison. Plus qu’une boutique, Mealk est un véritable laboratoire : un lieu où tester de nouvelles recettes, sentir les tendances, et garder ce contact direct avec les clients qui nourrit la créativité. « Le retour du consommateur, c’est ce qui rend humble, et c’est ce qui permet d’avancer », confie-t-il.
Cap sur la Côte d’Opale
L’actualité, c’est donc le Touquet. Le 15 mai dernier, Julien reprenait Terre de Fromages, avec Dimitri, ancien salarié de la maison qui réalise ainsi son rêve d’ouvrir sa boutique. La transition s’effectue en douceur, avec la volonté de préserver l’esprit de l’adresse tout en y apportant la touche Planchon. Les clients retrouveront les grands classiques, mais aussi des créations maison. Et déjà, de nouvelles pistes se dessinent : des fromages aux notes iodées, travaillés avec des algues, pour marier le terroir picard et l’air marin du littoral.
Une success story humble et joyeuse
En 23 ans de métier, Julien Planchon n’aurait jamais imaginé un tel parcours : trois fromageries à Amiens, une au Touquet, deux autres bientôt à Chauny et Saint-Quentin, des créations primées au Mondial du Fromage (dont une médaille d’or pour sa Burrata au pesto), une entreprise reconnue bien au-delà des frontières… Et pourtant, il conserve l’enthousiasme de ses débuts, cette étincelle dans le regard qui dit tout : l’amour du produit, le goût du partage, et cette envie constante de réinventer le fromage.
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Publié le 10 octobre 2025